Située à une douzaine de kilomètres au nord-ouest de Narbonne, entre Corbières et Minervois, la commune de Sallèles-d’Aude est traversée par le canal de jonction entre le canal du Midi et l’Aude. En longeant son chemin de halage bordé de majestueux pins parasols centenaires jusqu’à l’écluse d’Empare, on arrive sur le site du musée des potiers Amphoralis.
C’est là que débute mardi 9 novembre la journée consacrée à la découverte de la Narbonne antique dans le sillage d’une guide-conférencière, enthousiaste et prolixe, qui allait encore conduire les Amis du musée Paul-Valéry à l’horreum romain et au musée archéologique Narbovia.
Première étape: le musée des potiers à Sallèles-d’Aude
En labourant une parcelle de vignes dénommée Clots de Raynaud, une viticultrice, Paule Bouisset, exhume des tessons de poteries, de tuiles et d’amphores. Avec un archéologue amateur, Guy Rancoule, elle fait état de ses découvertes dans le bulletin archéologique régional. Ce texte attire l’attention d’une archéologue du CNRS spécialiste des amphores gauloises, Fanette Laubenheimer, qui entame des fouilles méthodiques à partir de 1976. Elles dureront trente ans. Et la mise au jour de ce qui fût pendant les trois premiers siècles de notre ère un grand centre de poterie a abouti à l’inauguration en 1992 d’un musée en forme d’oiseau aux ailes déployées au-dessus des fouilles.
C’est dans le corps du bâtiment que nous entraîne notre guide pour nous faire découvrir le travail des potiers gallo-romains qui mirent à profit les atouts du lieu (argile, eau, bois, voies de communication…) et qui diffusèrent dans tout l’empire leurs amphores ventrues trois fois plus légères que les amphores traditionnelles. Puis à partir des praticables disposés sous les ailes du musée, on verra la disposition des fours où étaient cuites les diverses céramiques.


La visite se termine par une déambulation entre les éléments reconstitués de cette antique usine, fours, tuileries, habitations disposés sur le site — 3 hectares rendus à leur végétation originelle — que traversait un aqueduc souterrain.
Deuxième étape: l’horreum romain
Après le déjeuner pris dans une brasserie face aux halles de Narbonne, notre guide nous retrouve pour nous conduire à l’horreum romain. Chemin faisant, on s’arrête place de l’hôtel de ville, autour d’un reste du pavement de la voie domitienne qui avait été construite un siècle avant notre ère pour relier les péninsules ibérique et italienne et on observe les fragments de monuments romains imbriqués dans les murailles de l’ancien palais épiscopal.

L’horreum n’est pas loin mais l’ultime trace de l’imposante romanité de la cité se cache bien, 5 mètres sous terre, derrière une très moderne verrière, entre de bourgeoises maisons de ville.
Avant de nous enfoncer dans ces galeries souterraines construites au premier siècle avant notre ère, notre guide n’ose pas avouer qu’on ne sait pas vraiment à quoi elles servaient alors. Mais comme les Romains n’auraient pas fait un tel édifice sans raison, on suppose qu’il y en a une et que ça pourrait bien être les soubassements d’un marché disparu puisque plan à l’appui, il y avait tout autour un forum, un temple capitolin et une ville traversée par la voie domitienne. Donc cette sorte de cryptoportique est un horreum (entrepôt) comme il y en avait tant à Rome ! Et c’est comme tel qu’il est ouvert au public depuis 1976.
Après avoir examiné dans le détail les particularités des galeries, des voûtes, des clés de voûte et des cellules, on revient à l’air libre une cinquantaine de mètres plus loin en amont de la rue Rouget-de-Lisle. Le prochain point de rendez-vous est à l’entrée de ville, avenue de Gruissan (nouvellement avenue André Mècle).



Troisième étape: le musée archéologique Narbo Via
Au bord du canal de la Robine, à l’entrée Est de la ville, est sorti de terre un musée rêvé par l’ancien président de l’ex-région Languedoc-Roussillon, Georges Frêche, et conçu par le cabinet d’architectes britannique Norman Foster & Partners : un bâtiment de 8000 m2 de plain-pied dont l’épine dorsale est un mur lapidaire de 76 m de long sur 10 m de haut où sont entreposés-exposés sur des racks métalliques 760 blocs déplacés par un transstockeur commandé numériquement (le musée est ouvert au public depuis mai 2021 et son inauguration officielle aura lieu en décembre).
L’effet de sidération est garanti. Et notre guide sait en profiter tout autant devant le mur de blocs dont elle analyse les singularités (bonnets phrygiens, têtes de taureau, fleurs, chars…) que dans les salles d’exposition où après les marbres imposants on retrouve les amphores fragiles.
On est aussi bluffé par la reconstitution d’une villa patricienne. Au centre de l’atrium, une grande mosaïque célèbre la figure de Bacchus. Les murs des pièces alentour, sont décorés de fresques comme il y en avait à Pompéi et Herculanum. Elles proviennent, avec un ensemble de statues remarquables ainsi que d’objets du quotidien, du Clos de la Lombarde, un quartier de la cité de Narbo Martius composé de luxueuses domus qui fut mis au jour à partir de 1973.





Aux splendeurs patriciennes succèdent les œuvres paléochrétiennes d’un empire déjà menacé par les barbares. Monnaies votives, autels, sarcophages aux motifs inspirés des Évangiles, témoignent de la christianisation de la cité entreprise sous l’impulsion des évêques tels Saint Paul-Serge et Rusticus.
L’heure de regagner Sète est largement dépassée lorsque nous remercions notre guide pour le véritable marathon qu’elle nous a fait parcourir avec passion dans la Narbonne romaine. Avons nous pour autant épuisé tous les charmes de l’EPCC (établissement public de coopération culturelle) Narbo Via qui réunit les trois sites visités? C’est à (re)voir!
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